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samedi 14 mars 2009

(débat) Un pays doit-il être une terre d'accueil ou d'écueil ?

Lorsque certains parlent des institutions à réformer afin que état, régions, communautés, provinces et communes puissent mieux s'harmoniser, il est peut-être une autre institution à réformer bien avant les autres : la citoyenneté.

Qui peut être citoyen d'un pays ?
A qui ce privilège est-il réservé ? Doit-il être réservé à certains ?

Nous soulevons là un sujet bien d'actualité : les sans-papiers !

Voici le témoignage d'un grand scientifique : Albert Jacquard. Celui qui a dit : "Le surhomme, c’est toi et moi quand nous sommes capables de dire "nous"."

Albert Jacquard, 82 ans, n'est pas qu'un spécialiste de la génétique. Il est aussi, et surtout, un humaniste qui a trouvé dans la science la preuve que les hommes sont tous égaux. Fort de cette certitude, il s'est engagé depuis de nombreuses années auprès de tous les 'sans' : les sans-logis, les sans-papiers…


Portrait d'un homme qui lutte sans relâche contre les inégalités qui le révoltent.

“Celui que vous voyez, ce n'est pas moi. Albert Jacquard, vu de l'intérieur, il ne ressemble vraiment pas à ça. Mais bon, ça n'a aucune importance. Pour admettre que ça n'avait pas d'importance, il a fallu des années et des années. (Albert Jacquard a été victime d'un grave accident de voiture lorsqu'il avait 9 ans. Il en a gardé des séquelles au visage.)

Plus j'y réfléchis, plus je pense que j'ai été injuste avec les autres. J'ai cru qu'ils se moquaient de moi ; j'ai cru qu'ils n'étaient pas gentils ; j'ai cru même qu'ils me méprisaient.


Mon enfance, quand je me la remémore, elle s'arrête à 9 ans. A partir de là, j'ai été un petit garçon un peu choqué, qui n'a eu qu'un désir : compenser ce choc par ce qu'il pouvait faire qui le différenciait, par ce qui lui permettait d'être un petit peu content de lui. (…) Ç'a été de réussir en classe. Ça n'a pas été une ambition bien grandiose, mais, pendant un temps, ça m'a suffi. Même pendant trop longtemps, ça m'a suffi.

J'ai vécu la Libération comme un événement extérieur. J'ai été un passager de l'histoire. Je n'ai pas été du tout le conducteur. J'ai été très long à m’apercevoir qu’il fallait que je choisisse mon camp.

J’étais dans le camp des salauds : ceux qui laissent faire et finalement attendent que toutes les choses s'arrangent. C’était par l'activité intellectuelle que j'essayais de séduire les demoiselles. Ça m'amusait.

Et puis, un beau jour, il y a eu la rencontre d'Alix, qui n'a pas été séduite de cette façon-là. Qui a très vite compris que c'était un jeu et qui a voulu aller plus loin. Si bien que, pour la première fois, j'ai rencontré quelqu'un avec qui on ne s'est pas arrêtés aux apparences. Et ç'a été celle qui m'a obligé, justement, à gratter un peu. Au fond, elle n'a jamais aimé mon uniforme ; elle n'a jamais aimé ma définition en tant que polytechnicien, en tant qu'ingénieur. Elle cherchait quelle était la définition du vrai Albert Jacquard. Que j'ignorais, moi, et qu'elle m'a révélée. On a beaucoup parlé de l'aspect fonctionnaire, ingénieur, travailleur… mais c'était de la poudre aux yeux. Et la poudre aux yeux, Alix ne s'en est pas satisfait.

La science, qu’est-ce que c’est ?


C’est un effort de compréhension, de lucidité.


Le scientifique peut se tromper. En tout cas, ce qu'il faut, c'est que ce qu'il croit vrai, il le dise, il le répande. Le citoyen est à la merci de ce qu'on lui donne, en particulier comme informations. Et du coup, on peut le manipuler. Par conséquent, le rôle du scientifique, c'est d'apporter la lucidité. Pour cela, comme il a la chance d'être payé pour ça, il a le devoir de diffuser cette lucidité.


Moi, je ne sers à rien. C'est vrai, je ne sers à rien. Mais si tout le monde en dit autant, jamais il ne se passera rien. Donc, là, j'essaie d’être celui qui répond.

Des gens m'ont pratiquement obligé à m'engager de façon corporelle, concrète. C'est des gens qui luttent pour aider les sans-logis, les sans-papiers, tous les "sans". (…) Finalement, cette introduction (…) en politique s'est passée sans que je le veuille.

Il y a quelques semaines, j'ai compris tout d'un coup quelque chose. C'était dans une manifestation à Paris où nous étions nombreux, et je tenais une grande banderole. On demandait des papiers pour tous, et on criait : "Des papiers pour tous !" Et moi, à un moment, je me suis dit : "Mais non, ce n'est pas ça qu’il faudrait dire !" Il faudrait dire : "Des papiers pour… personne !"

Le surhomme, c’est toi et moi quand nous sommes capables de dire "nous". Voilà la spécificité humaine. Une aventure humaine, c'est avant tout l’aventure des rencontres. L'aventure des rencontres qui m'a fait devenir plus que moi-même. Oui, je suis un surhomme. Grâce aux autres. Ce que je suis n’est pas ce que vous voyez.

Ce que je suis, c'est l'ensemble des liens que je suis capable de tisser avec les autres. L'autre, quel qu'il soit, il est ma richesse. Et quand je me prive de cette richesse, je commence un peu à me suicider.

J'ai essayé d’être dans le camp de ceux qui réagissent. Quand on réagit, on peut se tromper, mais, au moins, on a fait fort pour exister, pour participer. Et c'est devenu pour moi le mot clé : participer.


Etre quelqu'un qui fait partie d'une humanité qui a bien besoin que tout le monde s'y mette.


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